Les mauvaises nouvelles s’accumulent depuis quelques semaines pour les plateformes employant des enseignants de la conduite indépendants, et pour Ornikar en particulier.
Une série de revers qui traduit une tendance de fond : la prise de conscience par la classe politique des dérives du modèle des plateformes employant des auto-entrepreneurs « faussement indépendants ».
Jeudi 9 décembre, la Commission européenne annonçait un projet de directive destiné à « améliorer les conditions de travail des personnes travaillant via une plateforme de travail numérique ». Dans ce projet de directive, la Commission européenne établit une présomption de salariat pour les individus travaillant par l’intermédiaire de plateformes numériques exerçant un certain niveau de contrôle sur ce travail. Si elle vise en premier lieu les plateformes de VTC et de livraison de plats, elle devrait également concerner les plateformes ayant recours à des enseignants de la conduite auto-entrepreneurs telles qu’Ornikar, En Voiture Simone et Le Permis Libre.
Pour la Commission, une plate-forme « est présumée être employeur et ses travailleurs sont présumés être salariés » si elle remplit 2 des 5 critères suivants : si elle fixe la rémunération, si elle supervise le travail par un moyen électronique, si elle impose au travailleur ses heures de travail, si elle lui dicte la manière dont il doit se comporter avec le client ou si elle l’empêche de travailler pour un autre donneur d’ordre.
Si les moniteurs indépendants travaillant pour ces plateformes étaient reconnus comme des salariés, cela signifierait la fin du modèle économique low-cost prôné par ces start-ups et le retour à une concurrence plus équitable. Ceci étant dit, aucun changement à court terme n’est à attendre, la proposition de directive doit encore être examinée par les États membres et par le Parlement européen.
En savoir plus : La Commission européenne instaure une présomption de salariat pour les travailleurs du numérique
Prud’hommes de Bobigny, la décision confiée à un juge départiteur
Hasard du calendrier ce projet de directive européenne arrive à point nommé pour une procédure entamée fin février, devant le Conseil des Prud’hommes de Bobigny. Monsieur F., moniteur indépendant demandait à Ornikar la requalification de son contrat en contrat de travail. Le syndicat Force Ouvrière avait également saisi les Prud’homme de son côté.
L’audience de jugement, initialement fixée au 12 octobre avait dû être décalée au 19 novembre – les avocats d’Ornikar ayant transmis leurs conclusions au dernier moment. Après avoir protesté contre l’existence supposée de vices de procédures, les avocats d’Ornikar ont plaidé l’incompétence du Conseil des Prud’hommes, arguant du fait que Monsieur F. n’était pas titulaire d’un contrat de travail.
Le délibéré de l’affaire avait été renvoyé au 30 mars 2022, avant que le Conseil des Prud’hommes n’annonce le 10 décembre que le dossier serait finalement confié à un juge départiteur. Aucune date n’a pour l’instant été arrêtée.
Les membres du Conseil des Prud’hommes ont sûrement préféré jouer de prudence en faisant appel à un juge professionnel. Espérons que ce dernier prenne en considération le projet de directive mentionné plus haut avant de rendre sa décision.
Un nouveau revers pour Ornikar en Espagne
Les mauvaises nouvelles n’arrivant jamais seules, Ornikar a subi en début de mois un nouveau revers en Espagne. La startup – installée à Madrid depuis fin 2019 sous le nom d’Obikar Autoescuela avant d’être renommée Onroad.to – militait pour que la portée nationale de l’agrément auto-école soit reconnu en Espagne, ainsi que la possibilité d’apprendre le code uniquement sur internet. À force de lobbying, un article avait été introduit dans la loi Mobilité (Ley de Tráfico), l’article 62.
Les parlementaires espagnols en ont finalement décidé autrement en maintenant l’obligation de disposer d’un local et en rejetant la portée nationale de l’agrément en Espagne. Cette victoire a été possible grâce à la mobilisation du CNAE (Confederación Nacional de Autoescuelas, l’organisation patronale majoritaire dans le secteur des auto-écoles espagnoles) et de son président Enrique Lorca Sánchez. Le CNAE est allé à la rencontre des parlementaires pour leur expliquer le danger que représenterait une telle mesure pour le secteur de l’éducation routière. Ils ont pu s’appuyer sur l’expérience française et notamment les chiffres fournis par le CNPA au cours d’une réunion à Madrid en novembre.
Les parlementaires espagnols ont pu apprécier le fait que, même après 7 ans d’existence, le modèle des plateformes restait très minoritaire. Depuis la mise en place de RDV Permis, des données chiffrées sont disponibles : les plateformes présentent 3% des candidats en Occitanie, 6% en région PACA… toutes plateformes confondues. Bien loin des 20% de parts de marché revendiquées par Benjamin Gaignault à longueur d’interview télévisées. Les députés et sénateurs espagnols ont sûrement jugé qu’il n’était pas pertinent de changer la législation pour 5% des candidats…
Après l’Allemagne, c’est donc un deuxième pays européen qui ferme – en grande partie du moins – la porte à Ornikar. Un coup dur pour celui qui déclarait en 2019 avoir « envie de conquérir la planète ».
En savoir plus : La Confederación Nacional de Autoescuelas (CNAE), satisfecha con la reforma de la Ley de Tráfico (en espagnol)
Les politiques espagnols ont à l’évidence un peu plus de « corones » que les nôtres…
Les marcheurs sont derrière leur mentor qui travaille pour ses amis… Xavier Noël n’est il pas gros actionnaire d’ornikar et fidèle ami de Macron ?