Mercredi dernier, Mobilians Éducation et Sécurité routière organisait un déjeuner-débat en présence de Florence Guillaume, la Déléguée interministérielle à la Sécurité routière, ainsi que de personnalités politiques. À cette occasion, ses représentants – Patrice Bessone et Lorenzo Lefebvre – ont présenté des propositions visant à améliorer la sécurité routière, en s’inspirant du « système Sûr », déjà mis en place en Europe du Nord.
Réduire le nombre de victimes sur les routes
La réflexion part d’un constat simple : le nombre de tués et de blessés sur les route a fortement diminué ces dernières décennies (pour plusieurs raisons qu’il serait long ici d’évoquer). Cependant, depuis quelques années, il semble stagner et, pire, repartir légèrement à la hausse. En 2022, 3260 personnes sont décédées en France métropolitaine des suites d’un accident, contre 2944 en 2021.
Les nouveaux modes de déplacement et le partage de la route
Deuxième constat, la mobilité évolue, de nouveaux modes de déplacement voient le jour… en particulier dans les grandes agglomérations. Les véhicules à moteur (voitures, motos, etc.) doivent désormais cohabiter avec les trottinettes, vélos et autres gyropodes, ainsi qu’avec les piétons.
Le développement de ces nouveaux modes de transport se traduit par une forte augmentation du nombre d’accidents pour leurs usagers. Depuis la pandémie du Covid-19, les tués en voiture représentent désormais moins de la moitié des tués sur la route (48%) alors que le nombre de cyclistes tués ou gravement blessés augmente de 13% entre 2019 et 2022. Il en est de même pour les usagers d’EDPM (engins de déplacement personnel motorisé) de type trottinettes, avec +38% de blessés graves entre 2021 et 2022.
L’enseignement actuel est insuffisant
Selon une étude de la Fédération européenne des écoles de conduite de septembre 2021, intitulée Driving licensing in Europe, a new model for a new decade, « 90% des personnes qui fréquentent une école de conduite pour obtenir le permis de conduire n’apprennent pas nécessairement à conduire en toute sécurité » et ce alors même que la multimodalité complexifie considérablement le partage de la voirie.
Repenser la formation au permis pour des comportements plus sûrs
Face à ces différents constats et, pour répondre aux objectifs internationaux et européens de « réduire de moitié le nombre de tués et de blessés graves à l’horizon 2030 pour atteindre l’objectif de zéro tués en 2050 », les professionnels de l’éducation et de la sécurité routière réunis au sein de Mobilians sont convaincus qu’il est possible d’agir et d’apprendre des « comportements sûrs » aux candidats.
Les pouvoir publics européens s’emparent du sujet et ont récemment publié une révision de la Directive 2006/126 relative au permis de conduire. Mobilians salue cette initiative mais pense qu’il est possible d’aller au-delà, au niveau national, en mettant en place un schéma développé notamment en Suède et aux Pays-Bas : le système Sûr.
Mobilians ESR souhaite proposer un changement de paradigme pour tendre vers des comportements plus sûrs. Ce changement passe par une adaptation de l’apprentissage théorique et pratique de la conduite, dans le cadre d’une formation initiale et continue.
Pour cela, l’organisation professionnelle propose de « développer un modèle intégré complet, adapté à tous, qui vise à renforcer de manière proactive la sensibilisation des conducteurs actuels et futurs » en abordant plus particulièrement les situations complexes de circulation et également les questions clés telles que la perception des risques, les facteurs de risques dans la conduite, les nouvelles technologies, les nouvelles formes de mobilité ou encore le développement durable.
Les contours du système Sûr
Le « système Sûr » n’est pas nouveau, il a été théorisé en 2016 dans un rapport de l’OCDE. Il s’inspire du concept « Vision zéro », développé dans les années 1980 et 1990 en Suède ou aux Pays-Bas.
Dans ce système, la sécurité routière ne doit pas être envisagée uniquement comme un ensemble de règles à respecter. D’autres éléments conditionnent le maintien d’une mobilité en sécurité. On parle ici du « triangle Homme-Véhicule-Environnement », qui fait de la sécurité routière un enjeu multifactoriel et systémique.
Le système Sûr repose sur quatre éléments principaux :
- des routes et des accotements sûrs, qui soient prévisibles et « pardonnent » les erreurs. Leur conception doit être facile à comprendre, encourager la conduite à des vitesses plus sûres et aider à éviter les erreurs ;
- des vitesses sûres, correspondant à la fonction et au niveau de sécurité de la route. Les usagers comprennent et respectent les limitations et conduisent en fonction des conditions (trafic, météo, etc.) ;
- des véhicules sûrs, qui préviennent les accidents et protègent les usagers de la route, y compris les occupants, les piétons et les cyclistes dans l’éventualité d’un accident.
- des usagers sûrs, alertes et sans facultés affaiblies, qui respectent les règles de circulation, prennent des mesures pour améliorer la sécurité.
Les propositions de Mobilans ESR
Ces propositions sont les suivantes :
1. Refondre la formation initiale et mettre en place de cours théoriques collectifs obligatoires
L’apprentissage du code de la route correspond à l’appréhension des règles d’utilisation des voies publiques par les piétons, les cyclistes et les automobilistes au sens large.
La sensibilisation des conducteurs aux comportements à risque est un sujet à part entière. Mobilians propose la mise en place d’un module spécifique avec 5 heures de cours collectifs et en présentiel, réalisé grâce aux nouvelles technologies dont sont déjà équipées les écoles de conduite (écrans interactifs, simulateurs de conduite). Ces cours porteraient sur l’ensemble des piliers Usagers, Véhicules, Infrastructures et environnement, le Post-accident et la Vitesse. Pour Patrice Bessone, « le contenu de ces stages pourrait être adapté aux particularités du territoire et à son accidentalité. En effet, on sait que la majorité des accidents surviennent à côté de son domicile, sur les trajets du quotidien. »
Des études ont montré que les cours en présentiel ont un impact et une efficacité bien plus importantes que les cours à distance, en visioconférence.
2. Rendre obligatoire une formation continue pour tous
Les études ont montré que les premiers mois de la conduite sont les plus à risque, l’habitude entraîne un déclin de la vigilance et des « bonnes pratiques » apprises en auto-école. Les jeunes conducteurs sont confrontés aux évolutions sociétales et aux nouvelles mobilités qui entraînent un nouveau partage de la route.
Mobilians souhaite ainsi la généralisation d’un stage post-permis pour les conducteurs à partir du 6ème mois suivant l’obtention du permis. Le contenu et le déroulement du stage post-permis actuel devront évoluer. Afin de garantir une plus grande mixité et un plus grand partage d’expérience, il pourrait être couplé aux rendez-vous pédagogiques dans le cadre de l’AAC. Les 7 heures pourraient être effectuées de la sorte :
- 2 heures de formation théorique en même temps qu’un RDV préalable AAC ;
- 4 heures de formation théorique en même temps que des RDV pédagogiques AAC;
- 1 audit de conduite d’une heure pour finir.
Cette formation serait obligatoire et ce n’est qu’à l’issue de cette formation que le jeune conducteur obtiendrait son permis de conduire définitif. Pour Patrice Bessone, « la majorité des pays européens ont mis en place ce genre d’obligation, il est temps que la France fasse de même. »
Travailler sur le financement
Si les professionnels de Mobilians ESR souhaitent renforcer le contenu de la formation, cela ne doit pas se faire au détriment des apprenants à travers des augmentations de tarifs. Pour cela, Mobilians souhaite que les cours dispensés pendant la formation initiale (et après) soient des cours collectifs et que la réglementation évolue pour permettre la portabilité du CPF au sein de la famille nucléaire. Cette option a, pour l’instant, été écartée dans la proposition de loi du député Sacha Houlié, mais elle pourrait être rediscutée lors de l’examen du texte au Sénat.
Bonjour,
Il est évident que les cours en présentiel permettent une bien meilleure sensibilisation à la sécurité. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les cours du permis bateau se font obligatoirement en présentiel avec un minimum de 5 heures + 1h30 dédié à la sécurité.
JMB