Benoît Storelli (Stych) « le secteur va se concentrer en 2022 »

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Stych Benoit Storelli Stanislas Llurens

PermisMag poursuit sa série d’entretiens en allant cette semaine à la rencontre du directeur général de Stych (anciennement Auto-ecole.net). L’entreprise, qui connaît une croissance importante, revendique sa différence. Nous l’avons interrogé sur sa vision du secteur de l’enseignement de la conduite pour l’année à venir.

[PermisMag] Bonjour, est-ce que vous pouvez nous présenter Stych en quelques mots ?

[Benoît Storelli] Stych a été fondée en 2014 par Stanislas Llurens et Olivier Boutboul. Le premier est un spécialiste de l’e-learning (apprentissage en ligne, NDLR) et des outils digitaux. Le second est BAFM, un spécialiste de l’enseignement de la conduite, un vrai « sachant métier » qui dirigeait par ailleurs un centre de formation de moniteurs.

Ce qu’ils ont souhaité, c’est construire une vraie auto-école digitale, qui s’appuie sur des outils numériques performants mais surtout sur des enseignants essentiellement salariés.

Leur idée dès le début n’est pas de faire une plateforme de mise en relation et d’uberiser le marché, mais de créer une école résolument moderne. Le « modèle Stych » est en ce sens proche de celui des auto-écoles traditionnelles ou l’enseignement est clé.

Vous savez que les plateformes sont très déconsidérées par les professionnels de l’enseignement de la conduite. Votre modèle vous rend a priori plus « fréquentable » ?


Nous poursuivons les mêmes objectifs et nous avons les mêmes ambitions que les auto-écoles traditionnelles. Nous sommes autant attachés à la pédagogie que les auto-écoles traditionnelles et, comme elles, nous avons des enseignants salariés. Ce qui nous différencie ce sont les outils digitaux que nous utilisons, notre méthode d’apprentissage et la faculté que nous donnons aux élèves de piloter toute leur formation en ligne.

On parle parfois d’« auto-école en ligne ». Comme vous l’avez souligné, ce terme regroupe aussi bien les plateformes de mise en relation et d’autres modèles comme le vôtre. Vous refusez d’être assimilés à ces plateformes ?

Soit on ne nous connaît pas, soit on nous a soigneusement rangé dans la même case que les plateformes de mise en relation car, quelque part, cela arrange tout le monde. Dès le départ, le modèle Stych est différent. Nous sommes une auto-école qui s’est dotée de ce qui se fait de mieux en termes d’outils numériques. Comme j’ai coutume de dire, nous avons « pensé hier, ce que va être l’auto-école de demain » !

Aujourd’hui Stych, c’est un réseau de 32 agences avec 32 agréments, je pense que c’est quelque chose que beaucoup ignorent.

Quand on prend un pas de recul et que l’on regarde les évolutions du secteur ces dernières années, on constate que – réforme après réforme – le digital rentre de force dans l’auto-école. Que ce soit le rapport Dumas, le label de qualité et Qualiopi (qui oblige les auto-écoles à se digitaliser et à publier tout un tas d’indicateurs), RDVPermis, le livret d’apprentissage numérique… les acteurs s’adaptent mais pour certains, cela peut être violent.

Chez Stych, ces réformes sont vécues sereinement, le numérique fait partie de l’ADN de l’entreprise. L’objectif premier – à la création d’Auto-ecole.net – était de digitaliser l’auto-école tout en gardant le socle de l’enseignant salarié. Nous sommes préparés à faire face à ces évolutions… Ce n’est pas le cas de la majorité des auto-écoles qui sont en train ou qui vont devoir faire cet effort dans les mois et les années à venir.

Le numérique et au cœur des préoccupations des acteurs de l’écosystème. Sur le terrain, la transformation à marche forcée n’est pas toujours accueillie favorablement…

Pour certains, cette transition vers le numérique est une vraie souffrance. Je le vois régulièrement en discutant avec différents acteurs. Les gérants qui ont rejoint Stych en nous vendant leur agence se sont déchargés de tout ça ! Ils sont redevenus des pédagogues à temps plein, ils gèrent leurs enseignants et leurs élèves. Ils sont détachés de tous ces problèmes, de cette gestion administrative et de cette transformation digitale qui est prise en charge chez Stych au niveau du siège.

Pour moi, ce modèle c’est le futur ! Il y a beaucoup trop de règles, beaucoup trop de contraintes aujourd’hui sur l’auto-école pour que chacun indépendamment, dans son coin, puisse faire les choses correctement. Il y a un vrai intérêt à se consolider, à se rapprocher.

Vous disiez à l’instant que vous aviez racheté plusieurs agences… Votre modèle s’appuie sur un ancrage local, là aussi vous vous démarquez des plateformes. Vous comptez continuer à vous développer en ayant recours à de la croissance externe ?

Nous sommes dans une logique de croissance extrêmement forte, entre 30 et 50% de croissance par an… peut-être plus ! Cette croissance, elle passe par deux leviers.

Premièrement, par le fait de s’étendre géographiquement pour être capable de servir à la conduite 100% des élèves qui nous font confiance pour le code de la route. Nous avons vocation à être présents sur toute la France. Nous avons pour objectif de nous installer dans 30 nouvelles villes en 2022, soit en embauchant des salariés pour ouvrir, soit en reprenant des agences existantes. Nous visons actuellement toutes les villes de plus de 20 000 habitants.

Deuxièmement, cela passe par le recrutement d’enseignants. Comme nous sommes en croissance partout là où l’on est implantés, et nous avons en permanence besoin de renforcer nos équipes.

Est-ce que vous êtes en train de lancer un appel aux gérants qui envisagent de céder leur auto-école ? Quelles sont les agences que vous êtes susceptible de racheter ?

Tout à fait, nous sommes prêts à accueillir de nouvelles agences au sein de notre réseau afin d’étendre notre maillage géographique. Comme je vous le disais, nous souhaitons être présents dans toutes les villes de plus de 20 000 habitants dans un premier temps.

Il y a aujourd’hui deux typologies de gérants qui nous rejoignent : ceux qui veulent se consacrer à leur métier-passion – l’enseignement de la conduite – et ceux qui sont proches de la retraite et qui veulent assurer la pérennité de leur agence.

Dernier car de figure, les auto-écoles qui sont en difficulté financière. Stych donne la possibilité au gérant de continuer à exercer son métier sereinement. Les élèves qui sont inscrits et qui ont payé leur formation sont repris, on agit en quelque sorte comme une « garantie financière ». On a fait ça deux fois l’année dernière, à Rouen et à Poitiers.

Et comment se passe l’intégration des auto-écoles au sein de Stych ? N’y a-t-il pas de « choc des cultures » ?

L’intégration se passe en général très bien ! Nous les accompagnons pendant le temps nécessaire à la transition, nous prenons le temps de former l’ancien gérant et son équipe à nos outils et à nos méthodes.

Ceux qui n’ont pas encore l’âge de la retraite sont quasiment tous restés chez nous. Ils ont rejoint l’entreprise, ils sont restés à la tête de leur agence et ils y sont pour certains depuis plusieurs années. Il y en a même parfois qui ont déménagé et ont recréé une agence avec nous sous les couleurs Stych, dans leur nouvelle ville. Ils sont super épanouis, ils ont perdu en stress et en contraintes et ont gagné en confort de vie en rejoignant un réseau « plus gros ».

Laissez moi vous donner deux exemples. On vient de proposer à une des plus anciennes auto-écoles d’Avignon de nous rejoindre. À la tête de cette agence, il y a un couple qui est arrivés à un stade où ils sont proches de la retraite. L’auto-école n’était pas du tout digitalisée… on était encore au « tout papier ». Ils ont 4 enseignants, dont ce n’est pas une petite auto-école, c’est une auto-école de taille moyenne. Ils ne se voyaient à aucun moment commencer à se digitaliser, passer sur les tablettes. Ce n’est pas dans leur logique, ni dans leur savoir-faire. Quand on a parlé avec eux, d’abord on a eu un contact humain fantastique. Ils nous ont fait confiance tout de suite. Ils ont vu que le projet était bien né, qu’il y avait un vrai respect fondamental du métier et ils se sont dit « la solution c’est eux… On va partir à la retraite, on ne veut pas fermer cette auto-école, on ne veut pas laisser tomber nos enseignants et nos élèves. » Pour eux, le choix de rejoindre Stych s’est imposé naturellement.

Deuxième exemple, à Clermont-Ferrand, avec une grosse auto-école qui appartenait à un réseau national. Le couple à la tête de cette auto-école est venu nous voir car ils étaient fatigués d’un métier qui est en train de se complexifier : le digital, le CPF, la pénurie d’enseignants, etc… Ils voulaient se  se débarrasser de cet aspect-là pour se consacrer au cœur de leur métier. Le cœur de leur métier d’une auto-école c’est de former et aujourd’hui il y a toute cette surcouche de contraintes qui fait perdre à certains le sens du métier.

Le nombre de fois où l’on entend les gens dire « je passe des heures sur RDVPermis à récupérer des places, à essayer de recruter un enseignant et je ne trouve personne, à monter des dossiers administratifs pour avoir Qualiopi ». Lorsqu’on est seul à affronter tous ces changements, il y a de quoi être démoralisé !

C’est un discours que l’on entend beaucoup en effet ! On a l’impression que Stych peut coexister avec des auto-écoles traditionnelles ou « de proximité ». On ne retrouve pas chez vous cette volonté hégémonique…

Bien sûr, que nous pouvons coexister. Dans la vision que l’on a, le secteur de l’enseignement de la conduite va se concentrer dans les années à venir. Il est contraint par la règlementation, par l’arrivée du digital, etc. Ces contraintes font qu’il est de plus en plus difficile d’exercer ce métier pour les petites structures. Il y a également la démographie, on a beaucoup d’acteurs qui arrivent à l’âge de la retraite, la concentration va s’opérer c’est inévitable.

Selon moi, plusieurs modèles vont cohabiter :

  • le modèle de l’auto-école traditionnelle, indépendante, avec des gens passionnés qui font ce métier à la perfection bien que je pense que la majorité d’entre eux rejoindront l’un des gros réseaux associatifs ;
  • le modèle de plateformes de mise en relation. Qu’on le veuille ou non, elles répondent à la demande de certains élèves et vont continuer à exercer si la règlementation ne devient pas trop contraignante pour elle ; et,
  • des modèles comme le nôtre, à la croisée des deux mondes, extrêmement pointu en matière de digital avec un ancrage territorial et complétement tourné vers la pédagogie.

Stych a vocation à se développer, mais on n’a pas vocation à détruire le maillage existant et les différents acteurs en place. On sait bien qu’on va devoir coexister. D’ailleurs, il y a toujours eu de la concurrence localement entre les auto-écoles.

Ce que l’on propose aujourd’hui à ceux qui le souhaitent c’est de travailler avec nous pour faire face, ensemble, aux transformations en cours.

Dernière question, les principaux reproches qui sont fait aux nouveaux acteurs sont d’une part de ne pas respecter la règlementation qui s’impose aux auto-école traditionnelles (agrément, enseignants salariés) et, d’autre part, de communiquer des tarifs et des taux de réussite mensongers auprès du grand public. Qu’est ce que vous en pensez ?

Stych est ultra respectueux du cadre réglementaire, celui qui est imposé par la loi, et contrôlé par la DGCCRF et les autorités de tutelles. On est également très respectueux du cadre pédagogique. Notre co-fondateur, Olivier Boutboul, qui maîtrise à la perfection le  REMC a fait en sorte que le digital puisse être au service de la pédagogie. On est structurés et transparents dans notre façon de faire. On affiche nos vrais taux de réussite, on est transparents sur nos tarifs, sur la durée de la formation..

Stych est un acteur qui est, de ce point de vue-là, assez vertueux et on veut revaloriser le métier d’enseignant de la conduite. C’est pour ça qu’on travaille énormément en interne sur l’expérience de nos élèves et la réciproque qui est l’expérience de nos salariés.

En ce qui concerne les enseignants, leur rémunération est intéressante et nous leur donnons de la liberté pour qu’ils puissent s’exprimer professionnellement et d’un point de vue perso (avec une grande mobilité géographique). On essaye de transformer les pratiques du secteur en étant parfaitement à contre-pied des critiques qui sont adressées à ce secteur. Par ce qu’on sait qu’une petite minorité des acteurs jette le discrédit sur toute une profession.


5 Commentaires

  1. Stych emploi des dizaines voire des centaines d’enseignants indépendants.

    Au dela des quelques agences physiques, en quoi sont-ils différents des plateformes ?

    Merci pour l’éclaircissement !

    Patrick

    • Bonjour Patrick,
      Je ne sais pas si vous avez lu l’article en détail. Benoît Storelli parle d' »enseignants essentiellement salariés »… cela veut dire ce que cela veut dire. Si vous avez des informations précises sur le nombre d’indépendants cela peut être intéressant, dans le cas contraire vous faites des spéculations.

      Pour le reste, vous parlez de « quelques agences physiques ». Stych affirme dans l’article avoir 32 agréments et vouloir s’implanter dans toutes les villes de plus de 20 000 habitants… on est au-delà des « quelques agences » dont vous parlez 🙂

      Si vous avez d’autres question, le mieux est de prendre contact avec eux car nous ne sommes par leur porte-parole !
      Bonne journée,

  2. Monsieur ou madame la rédaction de Permismag,

    Ce qui m’embête c’est bien le manque d’informations dans votre article ! Je sais qu’ils travaillent avec beaucoup d’enseignants indépendants car je connais beaucoup de personnes dans ce « petit milieu » et j’ai moi même été chassé pour entrer dans leurs rangs !

    D’un coté, vous (permismag) jouez a la chasse aux sorcières en fustigeant les plateformes et les indépendants (d’assez nombreux articles le montrent) et de l’autre vous mettez en avant auto-école.net/ stych qui fonctionne au même titre que les plateformes avec des indépendants (le « essentiellement » ne donnant aucune info précises sur le nombre de salariés VS le nombre d’independant).

    Aussi je repose ma question, qu’est ce que justifie une telle différence de traitement ?

    Bien à vous,
    Patrick.

    • Je vois que vous êtes dans le procès d’intention, ce qui est dommage. Vous avez des infos et vous ne les partagez pas… Vous nous reprochez une différence de traitement et de ne « pas avoir posé les bonnes questions ». Pourquoi ne montez vous pas votre propre médias, vous pourrez ainsi poser les questions qui vous plaisent aux acteurs qui vous plaisent.

      La critique est aisée, mais l’art est difficile !

      Quand au fait de nous critiquer car nous donnons la parole à tous les acteurs, c’est assez ridicule. Tout le monde peut s’exprimer dans PermisMag, vous y compris…

  3. Bonjour la rédaction de PermisMag,
    Ce qui me turlupine un peu est le fait avéré que auto ecole . net favorise le REMC et non le PNF.
    Un de mes ancien moniteur ayant bossé pour eux avait la désagréable surprise de constater des objectifs , compétences validées alors que le niveau de la dite compétence n’était pas atteinte.
    Il se fit remettre a sa place par la gérante de .net Nice pour avoir retravaillé une compétence déjà validée.
    Je me pose la question sur le suivi du responsable pédagogique concernant l’acquisition des compétences.
    De mémoire ils ont un responsable pédagogique pour toute la France.
    j’ai regardé leur programme et il me semble bon voir très bon.
    Ce qui pose un problème comme a chaque fois ou l’on veut faire des économies d’échelle c’est qu’on nivelle par le bas pour éviter les conflits internes.
    Si c’est l’avenir de la profession…Bof !

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