Mercredi 19 février, le Ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire et les membres du Conseil national de la consommation (CNC), ont tenu une conférence de presse pour présenter le nouveau contrat-type pour les formations au permis de conduire. Ce contrat-type, prévu par le rapport Dumas (proposition 13), sera obligatoire à compter du 1er juin prochain.
Les raisons avancées pour la mise en avant de ce contrat-type sont : (1) d’augmenter la transparence pour l’élève-consommateur et (2) de faire baisser le prix du permis de conduire (en supprimant les clauses abusives, les frais illégaux et en exacerbant la concurrence entre établissements). Si le premier objectif est louable, il est peu probable que le deuxième soit atteint.
Une volonté de transparence affichée
Afin de permettre aux élèves de pouvoir comparer les écoles de conduite avant de s’inscrire, le Ministre de l’Économie s’appuie sur deux outils :
- la future plateforme du permis de conduire (qui devrait être mise en ligne prochainement), qui diffusera les taux de réussite des écoles de conduite ;
- le contrat-type, dont les dispositions – identiques – s’imposeront à l’ensemble des acteurs.
Ce contrat-type permettra de réduire les incertitudes juridiques liées à des contrats mal écrits et de remettre l’ensemble des acteurs sur un pied d’égalité.
Ceci étant dit, la volonté de transparence risque fortement de se heurter à la réalité :
- Les consommateurs adultes ne lisent généralement pas les contrats qu’ils signent, un jeune élève de 16-18 ans encore moins…. Penser que les futurs candidats vont se livrer à une étude de marché poussée avant de s’inscrire est illusoire. Ceux qui prendront rendez-vous avec 3 ou 4 auto-écoles, demanderont à faire une évaluation dans chacune d’elles, compareront les tarifs sur les contrat-types et feront des simulations de coûts ne seront pas nombreux ;
- « Trop de transparence nuit à la transparence ». Le futur consommateur sera abreuvé d’informations : taux de réussite, taux de présentation, tarifs unitaires et tarif du forfait 20 heure, avis, distance de l’agence… il ne manque plus que l’âge du capitaine et l’on a une équation à 5 inconnues. Après avoir constaté que « l’auto-école A est plus proche et à un meilleur taux de réussite que l’auto-école B qui est moins chère et qui a de meilleurs avis », que fera le futur candidat?
- La grande majorité des auto-écoles honnêtes disposaient déjà d’un contrat de formation dépourvu de clauses abusives et communiquaient déjà sur ces taux de réussite (dans le cadre du label ou pas). Les quelques gérants aux pratiques tarifaires douteuses continueront ces pratiques (contrat-type ou pas) et continueront à mentir sur leurs taux de réussite.
Vers une baisse des prix?
Le second objectif avancé par le gouvernement est de permettre une baisse des prix. Pour le Ministre, à clauses identiques « les auto-écoles les plus chères devront soit baisser leurs prix, soit se justifier ». Ce souhait du gouvernement, risque malheureusement de rester un vœu pieu… tant il est déconnecté de la réalité.
Comme l’a rappelé Philippe Colombani (Président de l’UNIC) à l’issu de la conférence de presse, la situation des auto-écoles est plus que préoccupantes : « on a perdu 400 auto-écoles en 18 mois sur l’Île-de-France ». Le taux de marge des auto-écoles ne leur permet pas de baisser davantage le prix de leurs formations. Pour Patrice Bessone, Président du CNPA-Éducation routière, le gouvernement fait preuve d’incohérence : « On demande aux auto-écoles de faire baisser le prix du permis et dans le même temps, on réduit l’accès au dispositif du permis à 1€/jour » (en le cantonnant aux écoles de conduite labellisées). Tous sont d’accord pour dire que c’est sur les aides au financement du permis qu’il faut agir et non sur le prix des prestations.
Les auto-écoles en lignes affectées?
Le contrat-type prévoit qu’une évaluation de départ soit effectuée avant toute signature d’un contrat de formation. Sur ce point les avis et les interprétations divergent :
- Pour les uns, cette évaluation préalable est une bonne chose et elle doit être appliquée à toutes les formations (code et conduite, mais aussi aux formations code seul). Ainsi les auto-écoles en ligne ne pourront plus se cacher derrière un pseudo statut d’éditeur de produits pédagogiques. Pour ceux-là, les solutions d’e-learning sont un type de formation comme une autre et doivent à ce titre faire l’objet d’un contrat et d’une évaluation de départ préalable ;
- Pour les autres, imposer la généralisation de l’évaluation de départ avant l’achat d’un accès e-learning est une fausse bonne idée. Pour Thibault Droinet (UNIC), « si l’on veut nous faire perdre ce qu’il nous reste sur le code la route, on ne s’y prendrait pas autrement ». Selon lui, le risque est que les élèves se reportent massivement sur les éditeurs indépendants, qui ne seraient pas soumis à cette obligation d’évaluation de départ. Par ailleurs, il souligne que – quoi qu’il arrive – cette obligation ne s’appliquera ni aux candidats libres, ni aux candidats en annulation de permis. « La plupart des élèves viennent s’inscrire avec le code obtenu en candidat libre… on va finir par perdre ceux qui continuent à nous faire confiance. »
Un rééquilibrage des relations auto-écoles / élèves
Le contrat-type entends rééquilibrer les relations entre l’élève et son auto-école. Le contrat encadre le tarif des prestations proposées. À l’issue des heures de conduite prévues par le contrat, l’auto-école peut être amenée à proposer un complément de formation à l’élève. Celui-ci a la possibilité de refuser et de s’adresser à une autre auto-école. L’auto-école aura également la possibilité de rendre son dossier à l’élève qui refuserait de suivre ses conseils.
En procédant ainsi, l’auto-école évitera que ses élèves ne forcent leur passage à l’examen, en revanche elle verra son « taux de présentation » chuter. NB: l’auto-école ne sera pas obligée d’inclure la prestation « Présentation à l’examen pratique » dans son contrat.
Ce sera à l’auto-école de faire preuve de pédagogie et d’expliquer à l’élève pourquoi il a besoin de ces heures supplémentaires et quelles seront les conséquences pour lui, soit de changer d’auto-école, soit de se présenter en candidat libre.
Un manque de flexibilité
L’un des reproches que l’on peut faire à ce contrat-type est son manque de flexibilité. Au niveau des prestations tout d’abord, une auto-école devra se contenter des prestations prévues par le contrat-type. Cette rigidité risque d’empêcher (ou du moins freiner) toute innovation. Les cours de conduite collectifs ou l’écoute pédagogique qui sont désormais généralisés, n’auraient probablement pas pu être mis en place si le contrat-type avait été en vigueur.
On retrouve ce manque de flexibilité à différents endroits du contrat. Ainsi, en ce qui concerne les modalités de paiement, le contrat prévoit :
Le paiement pourra s’effectuer selon l’une des quatre modalités suivantes :
1 – avec des arrhes et le solde d’un montant de xx euros devant être réglé le xx
2 – paiement comptant en un seul versement
3 – à l’unité, après chaque prestation
4 – échelonné en trois versements sans frais
Une auto-école qui voudrait se faire payer, à l’unité avant chaque prestation ou en 4 fois sans frais ne pourrait pas en vertu du contrat-type…
Et les financement CPF dans tout ça?
Alors que les financements CPF pour les formations au permis de conduire battent des records (14 000 dossiers depuis le lancement de la plateforme Mon Compte Formation selon la Caisse des Dépôts et Consignations), le contrat-type ne semble pas prendre en compte ce type d’aide. Le CPF n’est mentionnée à aucun moment dans le contrat-type.
Les modalités de paiement (cf. plus haut) ne prévoient pas le fait que le paiement soit effectué par un tiers. Elles ne prévoient pas non plus que la formation soit payée en totalité par virement une fois les prestations effectuées (comme c’est le cas pour le CPF).
Par ailleurs, les conditions générales des formations CPF sont, par certains égards, contraires aux dispositions du contrat-type. En effet, les conditions de remboursement en cas d’annulation d’une formation CPF prévoient une pénalité qui n’est pas dans le contrat-type.
On peut légitimement se demander, en cas de conflit, lequel des deux contrats prévaudra…
Des clauses floues
Certaines clauses du contrat-type restent floues ou pas assez précises. Elles pourront donner lieu à des conflits entre élèves et auto-école si elles ne sont pas réécrites. Par exemple : les motifs de résiliation du contrat ou d’annulation d’une heure de conduite.
Annulation des leçons en formation pratique : Sauf cas de force majeure ou motif légitime dûment justifié à l’école de conduite, toute leçon non décommandée par l’élève au moins 48 heures à l’avance n’est pas remboursée.
On est en droit de se demander ce qu’est un « motif légitime ». Il s’agit d’une notion évidemment subjective dont l’interprétation peut varier d’un individu à l’autre…
Des contraintes en plus
Dernier points, qui peuvent paraître anecdotiques mais qui méritent tout de même d’être signalés. Le futur contrat-type fait 11 pages, sans l’évaluation de départ, ni les éventuelles avenant… soit un total d’une quinzaine de pages. Lors de l’inscription, ce documents devra être complété par l’auto-école et relu par l’élève… avant d’être signé. Cela devrait rallonger de manière significative le temps passé pour une inscription.
Autre détail regrettable : alors qu’on parle d’écologie et de protection de l’environnement, le gouvernement aurait pu prévoir un contrat de formation dématérialisé. Au lieu de cela se seront, au bas mot, 45 millions de feuilles qui seront utilisées chaque année pour ce nouveau contrat-type !
Très bon article, comme toujours
J’ai une enorme envie d’aller élever des chèvres pour être moins emmerdé mais rien ne présage que je le sois moins en faisant du fromage avec ce bip de gouvernement…
Comme d’habitude, pas assez de concertations, pas assez de temps de réflexion, mais par contre on mets toujours la charrue avant les bœufs.!!! Que voulez vous on fonctionne comme ça.
Très bon article merci
Quid de l’aac et CS dans ce contrat ?
houais disais Lucky Luke on a une ombre de gouvernement qui attend sa mise à la petite porte
Je ne sais pas si c’est de la bêtise ou une volonté délibérée. Certains me diront arrête de rêver et de croire au PN j’ai pas dit Fn je parlais bien sûr du père noël car pour les matheux fn c’est fonction…. comprenne qui pourra
Bon les apprenants sont pour un gros nombre acteur dans la recherche des bonnes adresses et je me suis étonné du fait qu’en augmentant mes prix au stage de code (+ 20€) et bien la demande a explosé et j’ai pu ainsi me payer le simulateur de Lanion sans aide bancaire.
Alors je ne suis plus pessimiste (une inscription code par jour) mais j’ai conscience que l’on a des devoirs juridiques et surtout pédagogiques vis à vis de nos apprenants et il en va de notre pérennité. Maintenant mettre un labyrinthe contractuel oui « pas d’accord ». Allez je me dis que toutes ses réformes c’est pour la forme et les formes A litées nous proposes des remèdes sans effet placebo tellement la coquille est vide de sens
Jean CCR