Nous vous en parlions dans notre article de la semaine dernière, le Ministère du Travail cherche à faire des économies et devrait très certainement modifier les règles d’éligibilité des formations au permis de conduire, financées grâce au CPF. Les représentants des organisations professionnelles et des auto-écoles en ligne ont été conviés à une réunion d’information par la DGEFP, ce mardi 16 avril. Compte-rendu et analyse.
Les trois décrets à venir
1 – Participation des usagers avec un reste à charge de 100€
Il s’agit d’une mesure prévue par l’article 212 de la Loi de finances pour 2023. Dès la parution du décret, la Caisse des Dépôts et Consignations demandera une participation de 100€ à toute personne faisant la demande de prise en charge d’une formation. Cette participation évoluera chaque année et sera indexée sur l’indice des prix à la consommation. Des exonérations seront prévues, notamment pour les demandeurs d’emploi.
2 – Le CPF ne pourra financer qu’un premier permis
Concernant les catégories « deux roues » et « véhicules légers », le compte personnel de formation ne pourra être utilisé pour financer la formation préparant à une première catégorie de permis. En clair, une personne déjà titulaire d’un permis voiture (peu importe comment il a été financé) ne pourra pas utiliser son CPF pour financer un permis moto, et inversement. Le titulaire d’un compte CPF devra choisir entre la formation le préparant soit au permis B1, soit au B, soit au A1, soit au A2, à condition de ne pas être déjà titulaire de l’une de ces catégories.
Le financement des catégories du « groupe lourd » n’est pas remis en cause. En revanche, afin de se mettre en conformité avec le texte de la Loi Houlié qui prévoit le financement des formations sanctionnées par un examen, les formations à l’extension B96 ne seront plus prises en charge. Seules les formations préparant aux épreuves du permis BE pouvant l’être.
3 – Faciliter le recouvrement des sommes perçues indument par le titulaire du CPF ou par l’OF.
Ce décret vise à simplifier le recouvrement des sommes indument perçues par tout bénéficiaire ou destinataire final de fonds débloqués par la Caisse des dépôts au titre du CPF.
Deux décrets seront examinés par le Conseil d’État
Ces décrets ont été présentés aux partenaires sociaux le 17 avril. Deux d’entre eux devront passer devant le Conseil d’État.
Ils pourraient être retoqués. En effet, le fait de restreindre l’utilisation du CPF à un premier permis est contraire à l’esprit de la Loi Houlié, en étant plus restrictif de celle-ci. Une analyse juridique sérieuse sera menée.
Un renforcement des contrôles
Afin de faire des économies et de limiter les abus, la DGEFP et la Caisse des Dépôts souhaitent renforcer les contrôles, en amont et en aval des formations.
1 – Une nouvelle attestation sur l’honneur
La Caisse des Dépôts va mettre en place une nouvelle attestation sur l’honneur, dont l’usage sera obligatoire dès lors que le formation portera sur une catégorie de permis de conduire. Sur cette attestation, le bénéficiaire du CPF devra renseigner son NEPH s’il en dispose.
L’école de conduite s’assurera que les conditions sont requises pour obtenir un financement CPF (i.e qu’il s’agit bien d’un premier permis pour le groupe léger). Elle devra faire remplir l’attestation sur l’honneur, et devra conserver ce document pendant une durée minimale de 4 ans. La transmission de ce document peut être demandé à tout moment par la Caisse des Dépôts, notamment à l’occasion des contrôles.
2 – Consultation du FNPC
De son côté, la Caisse des Dépôts et Consignation mettra en place un contrôle préalable à la souscription des formations aux catégories du groupe léger en interrogeant le Fichier National du Permis de Conduire afin de connaitre la situation du demandeur au regard du permis de conduire.
Les propositions des organisations professionnelles
Les décrets envisagés risquent de restreindre considérablement la possibilité de faire appel à son CPF… y compris dans certains cas pour des raisons professionnelles. Les organisations professionnelles, si elles ne sont pas toujours sur la même ligne, ont pu faire valoir leur opposition au projet. Elles ont fait des contre-propositions.
Ainsi, pour Patrick Mirouse (président des ECF) : « la DGEFP ne doit pas apporter de restrictions, qui seraient contraires à l’esprit de la loi et injustes, mais au contraire, empêcher les abus et les demandes non professionnelles. » Il souhaite que le dispositif évolue afin « d’obliger le demandeur à fournir des justificatifs vérifiables et contrôlables (attestation de l’employeur, promesse d’embauche…), avec, en cas d’infraction, des régimes de sanctions particulièrement sévères ».
Parmi les autres propositions mises sur la table, Patrick Mirouse demande « une plus grande vigilance face aux dérives issues de la sous-traitance des formations par certains organismes, qui nuisent grandement à la qualité des formations, mais aussi à la crédibilité de tout un secteur d’activité. »
Plutôt que de limiter l’utilisation du CPF au premier permis, il propose que le financement pour un permis de conduire du groupe léger ne puisse être attribué qu’une seule fois au bénéficiaire. Une nuance qui a son importance puisqu’elle permettrait aux titulaires du permis B qui ont auto-financé leur première formation, de passer leur permis moto grâce au CPF (ce qui sera impossible si le décret est publié en l’état).
Que retenir de tout ça ?
Premièrement, le gouvernement cherche désespérément à faire des économies et ne pourra pas laisser exploser les dépenses liées au CPF. Selon les chiffres publiés par l’INSEE la semaine dernière, le déficit public s’élève à 5,5 % du produit intérieur brut (PIB) pour l’année 2023.
Deuxièmement, ces décrets viennent mettre un terme au flou juridique existant depuis 3 mois en l’absence de décret. En effet, l’article 3 de la loi Houlié précisait que les « les conditions et les modalités d’éligibilité au compte personnel de formation [seraient] précisées par décret, après consultation des partenaires sociaux. » Ceux qui pariaient sur l’absence de décret en sont pour leurs frais…
Troisièmement, ces décrets doivent être l’occasion de se reposer la question du financement des formations au permis de conduire. Ces aides au financement sont nécessaires et salutaires, mais faire reposer l’ensemble des financements sur le CPF est dangereux. Une école de conduite qui fait 50% de son chiffre d’affaires grâce à des formations financées par le CPF se place dans un état de dépendance très fort vis-à-vis de la Caisse des Dépôts. Elle sera fortement impactée en cas de changement des conditions d’éligibilité. Il existe un ensemble d’aides que les écoles de conduite doivent proposer et mettre en avant, en fonction du profil des élèves.
Quatrièmement, ces décrets permettent également de s’interroger sur le « caractère professionnel » de certaines formations. Si la mobilité est un pré-requis indispensable pour trouver un emploi, est-ce que le fait de passer un deuxième permis l’est de la même façon ? Est-ce que le fait de se rendre en moto au travail relève de la nécessité ou du confort ? Est-ce que les sommes mobilisées pour ce permis ne seraient pas mieux utilisées pour faire une formation qui permettent une vraie évolution professionnelle ?
Enfin, les chiffres publiés par la Caisse des Dépôts depuis 3 mois montrent un véritable appel d’air sur les formations au permis moto. Des personnes qui n’auraient probablement pas passé le permis se sont inscrits en formation et devront passer l’examen dans quelques semaines. La production de places d’examen n’étant pas extensible, ces inscriptions vont venir aggraver les tensions déjà existantes dans certains départements et allonger les délais. Militer pour des conditions d’éligibilité maximalistes, sans avoir au préalable réglé la question des places d’examen est contre-productif.
Un principe de réalité s’impose : l’« argent magique » n’existe pas. Les écoles de conduite vont devoir s’adapter à ces nouvelles règles et les accepter, au risque de voir un deuxième tour de vis dans les mois qui viennent. À vouloir être trop gourmand, on risque de tuer la poule aux oeuf d’or…
Ces débiles du gouvernement n’ont pas anticipé qu’il y aurait une forte augmentation des demandes de permis!
On peut se faire financer un stage de poterie mais pas un permis qui nous permet d’accéder plus facilement au travail dans des circulations surchargées…
Certains candidats ont 3 ou 4000 euros sur leur compte qu’ils n’utiliseront jamais pour autre chose!
A qui profite cette mane financière?
L’état veut faire des économies quand Macron commande 11 000 bouteilles de champagne pour 550 000 euros… pour ça y a du pognon.
Merci la Macronie!
Les sommes sur les comptes CPF, ne sont elles pas le produit des cotisations salariales et patronales ? Bref, l’état VOLE une fois de plus les bénéficiaires…
Aussi, le fameux appel d’air dont vous parlez n’est que la résultante de huit mois d’attente des candidats actuels qui ont repoussé leur inscriptions au permis moto avec LEUR argent COTISE sur leur compte et PRÉLEVÉ sur leur salaire.
Si vous étiez de vrais enquêteurs et non pas de simple chroniqueurs à la botte des syndicats d’inspecteurs et lobbyiste du gouvernement vous auriez aussi exprimé le point de vue des utilisateurs. Et aussi, essayé de défendre une profession qui a besoin de soutien ! (je ne parle pas des indépendants et des escrocs dit école en ligne)
L’état parle sans arrêt d’économie a réaliser mais qui rempli les comptes CPF? Les employeurs ! Donc je ne comprends pas de quoi est ce que s’occupe l’état.
On peu cependant imaginer que lorsque le CPF a été créé ils s’imaginaient avoir pondu un fond qui grossirait a l’infini sans que personne ne l’utilise…
Bon article. Le sujet du financement par le CPF met au grand jour un grave problème structurel quant au fonctionnement de l’activité « auto-école ». Quand on en est à ce point réduit à vouloir faire reposer son activité sur des aides ou du financement institutionnel, c’est qu’un mal profond gangrène le système, mais bizarrement le déni et la fuite en avant semblent être les seules options pour la majorité.
Super article, merci, mais encore une nouvelle preuve de contrôle de nos envies et dépenses. Nous cotisons pour notre CPF en travaillant, cela devrait nous incomber sans devoir être taxer de 100 euros (que les demandeurs d’emploi n’auront pas) et sans avoir à choisir les formations. Si nous ne voulons plus conduire un quatre roues mais un deux roues, où est le problème…cela devrait être notre choix, pareil pour d’autre formation…. A quand la puce pour nous dire que faire, quand le faire, que pensez…cela ne me choquerait pas vu certaines règles et lois…
Alors qu’on nous gonfle à longueur de temps sur la consommation de carburant et la pollution, quand on fait 50kms/jour pour aller au taff la moto c’est économique et forcément ça pollue moins…!
Qu’ils restent concentrés sur leur champagne et leur carrière….ça va bien ce passer!!! ✊️