[Opinion] L’auto-école, une profession (trop) réglementée ?

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Auto-école trop réglementé

L’enseignement de la conduite est une profession réglementée. Cela n’est pas nouveau et c’est probablement nécessaire ! Ceci étant dit l’augmentation exponentielle des contraintes administratives qui pèsent sur les auto-écoles depuis près de 10 ans a des conséquences sur les exploitants et sur leurs entreprises. Ras-le-bol, fatigue physique et mentale… les auto-écoles veulent, dans leur immense majorité, une stabilité réglementaire.

Un cadre juridique nécessaire

L’enseignement de la conduite et de la sécurité routière est un sujet trop important pour ne pas être encadré. La formation des futurs conducteurs est un enjeu primordial pour leur sécurité, mais également pour celle des autres. Il ne s’agit pas d’un commerce ou d’une industrie comme une autre, mais de permettre aux jeunes d’accéder à la mobilité.

Pour s’assurer du respect d’un ensemble de règles, définies dans le Code de la route, la profession d’enseignement de la conduite a été réglementée, progressivement. Les écoles de conduite doivent disposer d’un agrément préfectoral destiné à s’assurer qu’elles disposent d’un local aux normes pour accueillir ses élèves, ainsi que des moyens pédagogiques pour leur formation (véhicules, enseignants, etc.).

Pour s’assurer de la permanence des moyens mis en œuvre, l’agrément préfectoral doit être renouvelé tous les 5 ans. Au préalable, l’exploitant doit effectuer une réactualisation de connaissances (tous les 5 ans) pour s’assurer que ses connaissances sur la législation sont à jour et faire renouveler son autorisation d’enseigner (tous les 5 ans également).

Jusque là, rien que de très normal.

Une multiplication des normes et la réforme permanente

Depuis 2015 et la loi Macron, le secteur de l’enseignement de la conduite a connu de profonds bouleversements… Ces changements législatifs sont dus (en partie) à l’arrivée des plateformes et au lobbying qu’elles ont exercé sur les différents gouvernements… mais pas seulement ! Revenons un peu en arrière.


Le 15 mars 2017, une petite révolution a lieu. Le compte personnel de formation (CPF) peut désormais être utilisé pour financer la formation au permis de conduire (code et conduite). Cette révolution ne concerne pas toutes les auto-écoles car ces dernières doivent obtenir un Numéro de déclaration d’activité (NDA) auprès de la DIRECCTE (devenue DREETS entre temps) et se faire référencer sur DataDock, une plateforme gérée par les OPCO (qui a depuis disparu).

Pour les auto-écoles, qui ne faisaient pas de formation professionnelle, c’est la découverte d’un nouveau métier, avec ses obligations et ses contraintes : disposer d’un commissaire aux comptes, établir chaque année un bilan pédagogique et financier (BPF), etc…

Début 2018, le label « Qualité des formations au sein des écoles de conduite » (version 1) est mis en place par le Ministère. Ce label donne le droit à quelques avantages (comme le fait de faire des formations passerelle, le permis à 1€ par jour, etc). Pour y prétendre, les écoles de conduite doivent remplir un dossier papier et répondre à 23 critères. Elles doivent en outre souscrire à une garantie financière.

La même année, le gouvernement commande à la député du Gard, Françoise Dumas, un rapport dont l’objectif était de réfléchir aux moyens de rendre le permis de conduire moins cher. Intitulé « Vers un permis de conduire plus accessible et une éducation routière renforcée » le rapport est remis au gouvernement en février 2019. Ce rapport n’aura aucune incidence sur le prix du permis mais il introduit de nouveaux outils et de nouvelles obligations comme le recours au livret numérique (qui devrait être obligatoire au 1er janvier 2024).

La mesure phare du rapport Dumas est la mise en place de la plateforme RDVPermis qui sera progressivement déployée sur l’ensemble du territoire en près de 3 ans.

Les réformes sont mises entre parenthèses avec l’épidémie de Covid-19 mais, elles reprennent de plus belle. En 2021, le label de qualité est complètement revu pour obtenir une équivalence avec la certification Qualiopi. Le nombre de critères passe de 23 à 32 et le dépôt du dossier passe désormais par Démarches Simplifiées. À nouveau, les auto-écoles doivent s’adapter…

Entre temps, fin 2019, Datadock a été remplacé par une nouvelle plateforme Mon Compte Formation et les écoles de conduite gèrent désormais leur catalogue de formation et leur facturation sur leur espace professionnel (EDOF).

L’épidémie de Covid-19 engendre une courte pause dans les réformes, mais les auto-écoles devront bien vite se replonger dans le travail administratif avec la mise en place des PGE.

Les années 2021 et 2022 sont marquées par le déploiement progressif de RDVPermis. Fin 2022, les inscriptions CPF s’effondrent. En cause, la mise en place de l’Identité Numérique qui complexifie grandement la création d’un compte sur Mon compte formation. Là encore, les auto-écoles doivent s’adapter dans l’urgence.

En janvier 2023, une proposition de loi portée par Sacha Houlié propose d’étendre l’utilisation du CPF à toutes les catégories de permis. Fin avril, deux nouvelles propositions de loi sont déposées le même jour : proposition de loi n°1139 et proposition de loi n°1152.

Une charge administrative et financière de plus en plus importante

Ces nouvelles obligations modifient peu à peu le métier d’« auto-école ». S’il souhaite rester compétitif (et accessoirement respecter la législation), un gérant ne peut plus uniquement se concentrer sur l’enseignement de la conduite. Il doit prendre en compte la charge administrative, nouvelle « charge mentale » (pour reprendre un terme à la mode) et adapter le fonctionnement de son établissement.

Ces nouvelles obligations génèrent du stress et elles ont un coût non négligeable. Pour les respecter, les écoles de conduite voient leurs charges augmenter. Qu’il s’agisse de coûts directs (comme par exemple, souscrire à une garantie financière) ou des coûts indirects (payer la secrétaire pour monter un dossier de labellisation, faire appel à un consultant externe, etc.).

Le travail de « tous les jours » est également plus long. L’enregistrement des dossiers sur l’ANTS, le traitement des demandes de financement CPF, la gestion des entrées en formation et de la facturation sur EDOF, la prise de places sur RDVPermis… toutes ces actions prennent davantage de temps.

Trop de normes tuent la norme

Nul n’est censé ignorer la loi ! Cependant, lorsque la loi évolue tous les ans ou presque, cela devient compliqué de s’y retrouver.

La moindre erreur se paie cher. Oublier de déclarer son bilan pédagogique et financier (BPF) entraîne la perte de la certification Qualiopi. Avoir un bilan financier négatif peut remettre en cause la souscription de la garantie financière et par extension le maintien du label et de Qualiopi.

Même lorsque tout semble aller pour le mieux, un grain de sable peut enrayer la machine. En cause : le mille-feuilles administratif français et les délais parfois très longs imposés par l’administration.

Nombre d’auto-écoles en ont fait l’expérience : blocage inexpliqué du renouvellement du label pour cause de renouvellement d’agrément ; blocage inexpliqué de l’accès à EDOF, alors que l’auto-école est toujours labélisée et « Qualiopisée ». En cause, une mauvaise communication entre le Ministère de l’Intérieur (qui gère le label de qualité) d’une part et le Ministère du Travail (qui gère la certification Qualiopi et les organismes de formation) d’autre part ; une administration difficilement joignable qui impose des délais de traitement aberrants (jusqu’à 6 mois pour un renouvellement d’agrément dans le 93), etc…

Les auto-écoles, toutes centres de formation ?

Les évolutions décrites précédemment risquent de créer dans les années qui viennent un clivage encore plus net dans la profession avec d’un côté les grosses structures de centre-ville qui auront les moyens financiers et humains de continuer à suivre l’évolution de la réglementation. Ces structures se seront transformées avec succès en centres de formation. Elles proposeront l’ensemble des catégories de permis et tous les financements possibles.

De l’autre, on trouvera les petites écoles de campagne qui n’auront pas les moyens (ni la force) de se lancer dans ces démarches toujours plus lourdes. Elles ne proposeront qu’un nombre limité de formations et peu ou pas de financements…. Les plus enclavées résisteront, car la proximité reste un facteur déterminant en école de conduite. Les autres pourraient disparaître ou être rachetées.

Regroupement et économies d’échelle

En 2021, quelques 12 000 auto-écoles ont formé 1 120 000 candidats, soit moins de 100 candidats par an et par auto-école, pour un chiffre d’affaires moyen inférieur à 200 000€. Comme souvent une moyenne masque des réalités bien différentes…

Quelle est la solution ? Nous ne prétendons pas qu’il existe une réponse simple à cette question. Ceci étant dit, il serait peut-être bon qu’une concentration s’opère dans le secteur. Qu’il y ait moins de petites auto-écoles (moins de 100 élèves par an) et d’avantages d’auto-écoles moyennes (200-400 élèves par an). Ces structures pourraient ainsi réaliser des économies d’échelle et améliorer leur rentabilité. Elles pourraient également embaucher des personnes dédiées à ces tâches administratives nouvelles que nous avons évoquées. Qu’en sera-t-il ? L’avenir le dira…


4 Commentaires

  1. Les petites auto-écoles en zone rurale doivent continuer d’exciter au même titre que le commerce de proximité, ras le bol de ces politiciens qui veulent changer certaines règles pour un menu profit au détriment de la formation des conducteurs.

  2. Arrêter de vous en prendre aux indépendants. L’éducation routière ne vous appartient pas.
    Les moniteurs indépendants et quel que soit la raison, ont fait ce choix, existent et ont le droit de gagner leur vie tout autant que n’importe qui. Vous n’êtes pas seul au monde. Si votre affaire personnelle est un naufrage, il serait peut être temps de changer de route, de vous soucier de votre propre vie et de trouver sans cesse une excuse du genre « c’est toujours la faute aux autres ». Ça ne fonctionne plus, surtout aujourd’hui, dans une société qui évolue avec son temps. 23 ans après le deuxième millénaire, il est effectivement peut être temps d’admettre que vous n’êtes pas un martyr à cause des autres, mais plutôt incapable d’évoluer les pieds dans le béton, sans avoir à accuser quelqu’un.
    Tout le monde trinque, la liberté d’un moniteur indépendant se paye cher. S’il vous plait cesser de jouer les martyrs. Progressez, au pire changer de métier si cela ne vous convient plus.
    L’avenir prochain sera très certainement « tout se fait sur internet », la consommation en générale, et de plus en plus les services à la personne. Les boutiques plein pied, les commerces en tous genres n’ont plus d’avenir. Plus rentable et incapable de faire face au shopping sur le net qui est beaucoup plus pratique, moins cher avec la certitude d’obtenir ce que vous voulez et avec rapidité. Et vous c’est quoi votre point fort ? Vous êtes dépassé et il vous faut admettre encore une fois que les gens ont le droit de faire un choix pour passer leur permis de conduire.

    • Les moniteurs indépendants ne sont pas au dessus des lois… ces plateformes et ces moniteurs sont dans l’illégalité la plus totale, que cela vous plaise ou non !

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