Lors de l’annonce du « permis à 17 ans » à l’été dernier, certains professionnels s’étaient inquiétés des conséquences de la mesure sur le nombre de places d’examen et sur les délais de passage. Alors que la mesure n’est en place depuis quelques jours et que les inscriptions débutent à peine, plusieurs départements souffrent déjà d’un manque criant d’inspecteurs du permis de conduire. Le Val-de-Marne (94) est quant à lui dans une situation intenable, ce qui fait craindre pour la survie de certains établissements.
Une situation ancienne
Le manque d’inspecteurs dans le Val-de-Marne n’est pas nouveau. Les auto-écoles avaient manifesté devant la préfecture en mars 2023 et avaient obtenu des avancées. Un nouveau délégué avait été nommé au BER et la situation s’était quelque peu améliorée pendant l’été, avant de se dégrader brutalement en fin d’année.
Une nouvelle réunion d’urgence est organisée le 12 décembre en présence des organisations professionnelles. Interrogée, Christine Chauvet (gérante du CER Gil et Chris et présidente de Mobilians ESR pour le 94) nous a déclaré « l’effectif du département devrait être de 27 IPCSR. En 2023 déjà, nous n’avions que 23 IPCSR et maintenant les effectifs sont tombés à 14 IPCSR et 2 examinateurs de La Poste ». Ces absences sont dues à des arrêts maladies ou des mutations non remplacées. Elle ajoute « nous avons dans le département à peine 50% des effectifs… et notre département ne semble pas attirer ».
L’impact sur le nombre de place d’examen est immédiat. En décembre 2023, le seuil était de 3-3,1, en janvier 2024 il est de 2,9 et en février 2024, il est annoncé à 3,3. Pour Christine Chauvet, « on est partis pour avoir des seuils autour de 3 pendant toute l’année 2024, le temps que de nouveaux IPCSR soient formés ».
Une situation qui met en danger les écoles de conduite
Un enseignant de la conduite travaille entre 151 et 169 heures par mois. Pour que l’auto-école soit viable, elle doit remplir son planning et donc former minimum 5 élèves par mois et par enseignant (à raison de 35h en moyenne par élève en Île-de-France, NDLR). Lorsque les seuils sont à 3, cela pénalise les auto-écoles et les élèves.
Pour Christine Chauvet, « j’entends que certains départements ont des seuils à 5,9 alors que nous sommes en pénurie. Tout département qui a un seuil en dessous de 4 devrait recevoir des renforts d’inspecteurs ». Une mesure mise en place au lancement de RDVPermis qui semble-t-il a été abandonnée… Elle ajoute « les élèves du 94 et leurs parents payent des impôts comme tout le monde, ils ont le droit à un service public qui fonctionne ».
Pétition et courrier à la DSR
Pour dénoncer le manque de places d’examen, les auto-écoles du 94 ont commencé à faire circuler une pétition. Elle sera signée par les gérants d’école de conduite, par leurs salariés et par leurs élèves.
Un courrier est en préparation pour demander un rendez-vous à la DSR afin de leur faire part de l’urgence de la situation.
Les autres départements concernés
Le Val-de-Marne (94) n’est pas le seul département concerné. Des dizaines d’autres départements sont dans des situations plus ou moins critiques : la Val-d’Oise (95), l’Ille-et-Vilaine (35), l’Ain (01), les Deux-Sèvres (79), etc… La liste n’est pas exhaustive et les articles parus ces dernières semaines dans la presse quotidienne régionale témoignent de ces tensions bien réelles.
Fausses déclarations d’ETP et absence de contrôle
Comme souvent, lorsqu’une situation d’urgence survient, certains vont mettre en place des « mécanismes de survie » pour tenter de passer la crise. Selon Christine Chauvet, il est évident que les déclarations d’ETP de certaines auto-écoles ne sont pas correctes. Elle ajoute « quand je vois que certains ne prennent pas leur seuil de places alors que celui-ci est à 2,9. Je me pose des questions… ».
Les fausses déclarations d’ETP devaient être contrôlées et sanctionnées, et pouvaient aller jusqu’au retrait de l’agrément. Selon nos informations, ces contrôles ont été extrêmement rares, pour ne pas dire inexistants. Christine Chauvet ajoute « on nous a dit qu’avec le livret numérique ça allait être réglé, qu’il y aurait une totale transparence… j’attends de voir ».
En effet, il est hautement improbable que le livret numérique incite les « tricheurs » à arrêter de tricher. Certains ont déjà commencé à réfléchir à contourner le système d’une manière différente. La situation n’est pas prête de s’améliorer tant qu’il n’y aura pas :
- un recrutement significatif d’inspecteurs, allant bien au-delà du saupoudrage promis par la DSR ;
- la mise en place de contrôles effectifs avec des sanctions dissuasives.
Autrement dit : si on veut arrêter d’inciter les auto-écoles à la triche et à les monter les unes contre les autres, il faut « augmenter la taille du gâteau et non pas continuer à partager un gâteau qui est trop petit pour nourrir tout le monde. »