Depuis près de deux mois, les auto-écoles d’Île-de-France ne reçoivent plus de paiements de la Région, en contrepartie des chèques Permis. La situation commencent à devenir compliquée pour certaines structures, qui ont réalisé les formations et ont plusieurs milliers d’euros à encaisser.
L’Aide au permis de la Région Île-de-France
En mars 2021, la Région Île-de-France mettait en place une aide pour aider les jeunes Franciliens en insertion professionnelle à financer leur permis de conduire à hauteur de 1300€. Très généreuse, cette aide a connu un franc succès. En comparaison, la Région Occitane propose une aide de 500€ et la Région Rhône-Alpes propose une aide de « seulement » 200€.
Cette aide connaît une évolution notable au mois de septembre 2022 : les bénéficiaires n’ont plus à avancer d’argent, les auto-écoles étant payées directement par le biais de 3 « chèques permis », dont elle peuvent demander l’encaissement au gré de l’avancement de la formation.
De nombreuses auto-écoles concernées
Le dispositif et la plateforme de gestion, gérés par Docaposte (une filiale de La Poste), séduisent rapidement les élèves et les auto-écoles d’Île-de-France.
Certaines auto-écoles ont plusieurs milliers d'euros en attente de paiement
La Région Île-de-France communique sur cette aide auprès des candidats et des professionnels. La semaine dernière, des stickers et supports de communication étaient envoyés dans chacune des auto-écoles partenaires… pour mettre en valeur le dispositif.
Seulement voilà, depuis la fin mai, les auto-écoles ne sont plus payées par la Région Île-de-France. Interrogés, les gestionnaires du dispositif répondent laconiquement : « Bonjour, Nous sommes actuellement en attente de la validation des fonds par les comptables publiques, vous percevrez vos remboursements dans les meilleurs délais. Nous nous excusons de la gêne occasionée. L’équipe Aide au permis de conduire ».
L’Unic saisit le Conseil général
Dans un courrier envoyé hier, la présidente et la vice-présidente de l’Unic, Sandra Carrasco et Marie Martinez, ont alerté le responsable de la formation professionnel au Conseil général de la Région Île-de-France. Elles écrivent « cette situation entraîne des conséquences désastreuses sur les professionnels de l’enseignement de la conduite, qui se trouvent maintenant dans une situation financière précaire, en raison de l’absence de financement et du non-remboursement de la part de la région ».
Et, plus loin, « le succès de ce dispositif dépend de la solidité et de la confiance des partenariats établis entre la région, les prestataires et les écoles de conduite. En ne respectant pas ses engagements financiers, cela risque de décourager de nombreux professionnels et d’entraver durablement l’accès au permis de conduire pour les jeunes en situation précaire ».
Un dérapage des dépenses et une absence de contrôle
Comment expliquer cette situation ? Comme souvent, les causes sont multiples et se combinent entre elles. Nous avons identifié plusieurs :
- Une aide sur-dimensionnée. Le montant de l’aide, très généreux, a un impact important sur les finances de la Région, qui n’avait sûrement pas anticipé que le dispositif rencontre un tel succès.
- Les critères sociaux d’attribution ne sont pas respectés. Dans la présentation du dispositif, la Région Île-de-France définit des critères stricts pour être éligible à l’Aide. Selon les informations qui nous ont été communiquées, ces critères ne sont pas toujours respectés et certains jeunes qui ne sont pas éligibles se voient tout de même attribuer des chèques permis. Par ailleurs, les contrôles sont insuffisants, plusieurs cas de personnes ayant déjà le permis et voulant effectuer des leçons de « perfectionnement » ont été remontés.
- Le non-respect des échéances. Les chèques doivent être mis à l’encaissement au fur et à mesure de la progression. Certaines auto-écoles peu scrupuleuses encaissent les 3 chèques d’un coup alors que la formation vient de débuter. En agissant ainsi, elles affectent le budget dédié au dispositif.
- Enfin, comme souvent, des tentatives de fraude ont été relevés comme le « blanchiment de chèque permis ». Certains élèves n’ayant pas l’intention de passer le permis demandent à être payés en espèces contre la remise de leurs chèques permis.
Que retenir ?
Si l’on espère qu’il s’agit d’un problème de trésorerie passager et que les choses vont rentrer dans l’ordre, on peut néanmoins tirer plusieurs enseignements de cette affaire.
Premièrement, un principe de bonne gestion veut que l’on « ne mette pas ses œufs dans le même panier ». Une auto-école qui a une activité diversifiée (en termes de formations proposées) et des sources de revenus variées est moins en risque d’une auto-école qui ne propose que le permis B et qui fait 80% de son chiffre d’affaires avec le CPF ! Pour ne pas se retrouver dans une situation de dépendance vis-à-vis d’un financeur, les auto-écoles doivent veiller à ce que les encours auprès de chacun d’entre eux ne soient jamais trop importants.
Deuxièmement, si le gouvernement souhaite réellement un « permis moins cher » pour reprendre les déclarations d’Elisabeth Borne de la semaine dernière, l’État doit s’en donner les moyens et donner aux Régions des leviers financiers conséquents. La loi Houlié, adoptée par le Parlement au début de l’été, prévoit la création d’une plateforme recensant l’ensemble des aides pour aider les candidats à financer le permis. Si les financeurs ne sont pas au rendez-vous et que les fonds nécessaires ne sont pas débloqués, cette plateforme sera une coquille vide.