Fin avril, PermisMag publiait un article sur les robots présents sur RdvPermis. Le jour-même la DSR avait annoncé leur interdiction et la mise en place de sanctions pour les auto-écoles qui continueraient à les utiliser. Il y a une dizaine de jour, le sondage que nous avons fait paraître sur RdvPermis montre que 87% des auto-écoles pensent que les robots sont toujours présents.
Après enquête, nous proposons une piste d’explication. Celle-ci est un peu technique, mais nous allons tenter de les rendre accessibles.
La disparition des robots sur RdvPermis
Selon la DSR, les annonces et menaces de sanctions ont été dissuasives. Les auto-écoles qui avaient recours aux services de robots ont cessé de les utiliser. Nous n’avons pas de raison de penser que ces informations sont fausses. Malgré cela, près de 9 auto-écoles sur 10 pensent que les robots sont toujours présents sur RdvPermis.
Les auto-écoles ont beau mettre en place des stratagèmes plus ou moins élaborés – comme la connexion simultanée sur plusieurs ordinateurs – elles constatent que les places disparaissent en une fraction de seconde. La pénurie de places d’examen engendre un stress et conduit à se « jeter » sur les places mises en ligne. Mais, même en étant bien organisé, à l’aise avec l’outil informatique et doté d’une connexion haut débit, les places continuent à disparaître.
Le temps de réaction humain étant bien plus élevé que celui des ordinateurs. C’est donc de ce côté que nous avons poussé nos investigations.
Les différentes façons de réserver des places sur RdvPermis
Les écoles de conduite disposent de deux canaux de réservation pour prendre une place sur RdvPermis :
- La première, qui est la plus utilisée, consiste à se connecter à son compte RdvPermis via l’interface web (depuis n’importe quel navigateur Chrome, Firefox, Safari… ) ;
- La seconde, moins connue, consiste à passer par une API.
Qu’est-ce qu’une API ?
Arrêtons nous quelques instants sur ce qu’est une API. Selon la définition de la CNIL, une API (application programming interface ou « interface de programmation d’application ») est une interface logicielle qui permet de « connecter » un logiciel ou un service à un autre logiciel ou service afin d’échanger des données et des fonctionnalités.
Il s’agit d’une « passerelle » entre deux systèmes informatiques, comme il en existe beaucoup entre les différents outils informatiques utilisés par les auto-écoles.
L’API permet l’échange d’informations dans les deux sens. Il peut s’agir de la création / prise sous mandat d’un élève, de la visualisation des places d’examen disponibles ou encore de la récupération d’un résultat. La réservation de place d’examen est possible mais n’est pas encore 100% automatisable, nous y reviendrons.
Qui utilise l’API RdvPermis ?
L’API RdvPermis est utilisée par plusieurs types d’acteurs :
- Les éditeurs de logiciels de gestion. Ces derniers vont se connecter à l’API RdvPermis pour faciliter la tâche des auto-écoles, éviter les doubles saisies et faciliter la réservation de places ;
- Les auto-écoles en ligne ou plateformes, qui disposent de leurs propres outils informatiques et qui ont des volumes de candidats bien plus importants qu’une auto-école traditionnelle ;
- Certaines auto-écoles disposant de leurs propres outils de gestion. Elles sont plutôt rares, mais il en existe une bonne dizaine en France.
Les API confèrent des avantages à leurs utilisateurs
Avoir une vision globale des places, instantanément
L’API RdvPermis offre un gain de temps considérable par rapport à l’interface web de RdvPermis dans la mesure où elle permet d’avoir accès à toutes les places mises en ligne par les BER.
Une auto-école qui veut prendre une place, doit sélectionner un centre d’examen, puis sélectionner un inspecteur, puis faire défiler les semaines sur le planning et éventuellement prendre des places (1 « clic » par place). Cela représente une dizaine de clics par inspecteur, multiplié par le nombre d’inspecteurs, multiplié par le nombre de centres d’examen.
Un acteur qui utilise l’API peut envoyer une « requête » (une requête est une question posée en langage informatique, NDLR) pour afficher l’ensemble des places d’examen sur une semaine donnée, pour l’ensemble des inspecteurs sur 10 centres d’examen en simultané. Il pourra également bientôt automatiser la prise de places d’examen.
L'API permet d'avoir une vision globale des places
Ainsi, avec seulement 6 requêtes, l’utilisateur peut afficher toutes les disponibilités sur les 6 semaines à venir sur l’ensemble des inspecteurs sur les 10 centres d’examen alentours. Ces 6 requêtes prennent chacune une fraction de seconde. Obtenir les mêmes informations manuellement, prend quelques minutes et plusieurs centaines de clics.
La mise en ligne des places étant aléatoire, il est compliqué pour une auto-école qui passe par l’interface web de surveiller les plannings sur 6 semaines sur plusieurs centres d’examen à la fois… sauf à monopoliser une personne par semaine, par centre et par inspecteur. Dans les faits, c’est matériellement impossible…
Le temps gagné grâce à l’API permet de prendre des places groupées et de réserver 8 places d’examen sur une demi-journée. L’API ne va pas forcément permettre de prendre plus de places, mais elle permet de s’assurer (1) d’atteindre son seuil tous les mois et (2) d’avoir des places groupées.
Les auto-écoles en ligne avantagées ?
Si le fait d’utiliser l’API confère des avantages par rapport à ceux qui passent par l’interface web, il existe parmi les utilisateurs de l’API des catégories qui semblent encore plus favorisées.
Lors d’une réunion technique, les équipes en charge du développement informatique de RdvPermis ont partagé une diapositive indiquant le nombre de requêtes autorisées pour chaque acteur (ci-dessous).
Nombre d'appels maximum autorisés en fonction de la taille de l'auto-école
Concrètement, cela veut dire qu’une auto-école qui dispose de 0 à 5 ETP pourra faire 210 requêtes par minute à l’API, alors qu’une auto-école qui dispose de plus de 500 ETP pourra faire jusqu’à 2000 requêtes par minutes… quel que soit son nombre d’ETP dans le département. Si Ornikar a 2 ETP dans la Creuse, il pourra tout de même interroger l’API dix fois plus vite que l’auto-école de proximité implantée dans le département.
On a vu que l’API permettait de récupérer l’ensemble des créneaux disponibles pour 10 centres d’examen, pour les 6 semaines à venir avec seulement 6 requêtes. Cela signifie qu’une auto-école qui dispose de 2000 requêtes par minute va pouvoir rafraîchir les informations 333 fois par minute… soit 1 fois toutes les 180 millisecondes. Une auto-école qui n’a « que » 5 ETP, ne pourra rafraichir les informations qu’une fois toutes les 1,8 secondes.
Ce nombre de requêtes supérieur aurait pu s’expliquer par le fait que des auto-écoles avec plus de 500 ETP (i.e. les auto-écoles en ligne) sont présentes sur plus de 10 centres d’examen et qu’elles ont donc besoin d’un nombre de requêtes plus important. Cette explication ne tient pas car les horaires de mise en ligne des places d’examen dans les différents départements ne sont pas les mêmes.
Une mesure probablement prise pour ne pas désavantager les auto-écoles en ligne va finalement les avantager. Elle leur permet d’avoir avant tout le monde accès aux places, en temps réel.
Le cas des places supplémentaires ou restituées
Sur RdvPermis, les places restituées à moins de 7 jours de l’examen peuvent être de nouveau réservées par n’importe quelle auto-école, y compris celles qui ont déjà atteint leur seuil pour le mois. Dans ces conditions, l’auto-école qui utilise l’API et qui rafraîchit les disponibilités toutes les 180 millisecondes aura plus de chances de prendre la place que celle qui guette derrière son écran.
Le fonctionnement de l’API RdvPermis est problématique
L’API de RdvPermis soulève plusieurs questions. Premièrement, la question de la transparence. Les éditeurs et les organisations professionnelles ont-ils été consultés sur ces spécifications techniques ? Il semblerait bien que ce ne soit pas le cas. Qui a pris la décision d’autoriser un nombre de requêtes différencié en fonction des acteurs ? Sur quelle base ces nombres de requêtes ont-ils été décidés ?
Deuxièmement, l’API pose la question de l’égalité des auto-écoles dans l’accès aux places d’examen. On l’a vu, les auto-écoles qui utilisent l’API disposent d’un avantage par rapport à celles qui passent par le navigateur. Et, parmi celles qui utilisent l’API, les auto-écoles avec le plus d’ETP peuvent passer plus de requêtes et savoir quelques millisecondes avant les autres lorsque les places sont mises en ligne. On assiste à une course dans laquelle certains concurrents ont une longueur d’avance…
Si l’on part de ce principe, tôt ou tard, l’ensemble des auto-écoles devront passer par l’API (via leur fournisseur de logiciel). On assistera alors à une compétition technologique entre les fournisseurs aussi bien en termes d’algorithmie (qui rédige les requêtes les plus efficaces ?), qu’en termes de puissance de calcul (qui a les serveurs les plus puissants ?) et d’infrastructures (qui a les serveurs les plus proches de ceux du Ministère pour réduire le temps d’exécution ?).
On peut se demander si les serveurs de la DSR tiendront la charge, le jour où 12 000 auto-écoles les interrogeront à raison de 210 requête par minute. Il est possible d’en douter.
Des règles qui vont changer… en pire ?
Jusqu’à présent, l’API RdvPermis permettait d’afficher les disponibilités à l’écran mais la réservation des places restait manuelle. Les choses sont en train de changer et la DSR envisage de permettre la réservation automatique des places d’examen (ou du moins un certain pourcentage des places), sans intervention humaine.
L’annonce a été faite aux partenaires API lors de la réunion du 6 juin. Les CGU de l’API sont en cours de réécriture et seront soumises prochainement aux partenaires API.
Le pourcentage de places d’examen qui sera ouvert à l’automatisation n’est pas encore clair, la réponse des équipes techniques sur ce sujet est compliquée à comprendre.
Quoi qu’il en soit, il s’agit là de la dernière digue qui est en train de céder… dans la plus grande discrétion.
Que retenir ?
Pour résumer cet article quelque peu technique :
- Les utilisateurs de l’API RdvPermis sont favorisés par rapport à ceux qui utilisent l’interface web. Pour avoir le meilleur service, les auto-écoles devront passer par un logiciel qui dispose de la connexion à RdvPermis via l’API. Cette connexion fera vraisemblablement l’objet d’une facturation supplémentaire.
- Il existe des spécifications techniques dans l’API qui favorisent les plus grands acteurs (et donc les auto-écoles en ligne).
- L’API leur permet de connaître les disponibilités entre quelques millisecondes et quelques secondes avant les autres auto-écoles.
- Aujourd’hui, l’API ne leur permet pas de prendre plus de places mais de prendre des places qui les arrangent (places groupées, etc…).
- Dans un futur proche, les réservations de places pourront être automatisées. Des ordres de réservation pourront être programmés en amont et les réservations pourront se faire sans intervention humaine. Les places rendues ou les places supplémentaires « hors seuil » seront prises à coup sûr par les utilisateurs des API.
- Les API ouvrent la porte à un combat technologique entre les acteurs. Elles viennent mettre en péril les principes de transparence et d’égalité voulus lors de la mise en place de RdvPermis.
Bravo pour cet article
Enfin un article qui traite le sujet de façon ultra précise ! Les auto écoles en ligne ont des passe droits et rdv permis est aujourd’hui optimisé pour correspondre à leur besoins. la vraie concurrence déloyale est ici !
Très intéressant, merci !
Il est toutefois « amusant » de constater les dispérités, notamment entre la réalité et la façon dont elle est perçue. En effet, il y a peu je lisais, dans permis mag, une interview décrivant RDV Permis comme un système JUSTE ET TRANSPARENT. Or, visiblement, ce n’est pas le cas. Mais la personne interviewéee ne devait pas avoir assez d’informations.
En tout cas : non content d’avoir externalisé la répartition des places d’examen (puisque ce sont les écoles de conduite qui font cette ancienne mission des BER), non content d’avoir laissé s’installer un système d’auto-écoles en ligne (LOL), ce système divise les écoles de conduite traditionnelles (par leurs moyen techniques).
Donc il va falloir se mettre aux API pour ne plus subir l’esclavage stressant du clic du jeudi, ça va forcément être payant….et on va sûrement nous demander de faire baisser nos prix parce que le permis ça coûte cher.
Nous sommes définitivement les puputes de l’Etat et ça ne va pas s’arrêter de sitôt dans la mesure ou la division règne dans les rangs.
ça va forcement etre payant :………….. ce n’est pas le cas, certain fournisseurs offre le service d’autre le font payer. a nous de choisir celui qui nous convient.
Merci et bravo pour cet excellent article complet, argumenté et précis. Un excellent travail qui met en lumière les failles et l’inéquité du système RDV Permis. Sans tomber dans le complotisme il est évident que tous les changements liés à l’éducation routière vont dans le sens des auto-écoles en ligne au détriment des auto-écoles de proximité. Le problème de l’obstacle à l’exercice de la profession d’enseignant de la conduite se pose au quotidien face à une administration souvent défaillante et à des annonces politiques démagogiques. Parler de sécurité routière dans ce contexte de dégradation permanente de la qualité des formations et du service public est d’une hypocrisie absolue.
BON je prends le clavier dites moi en fin de compte les réussites les taux de réussite le travail au noir les formateurs sans remise à niveau « Ya un truc qui fait masse j’ai dû rêver trop fort »
ALLONS MR le gouvernement arrêtez vos C …… revenez a des principes simples On encourage la réussite par le travail et ici l’informatique reste comme le code en ligne, une gageure de première Allez réveillez vous ou les morts de nos routes viendront hanter vos nuits Mais ‘c’est vous qui voyez » alors remettez vos lunettes et je reste à votre disposition de ma lointaine île CCR
Merci pour cet article !
C’était évident ! Et après ça le boss de l’OP principale dira encore que RDVPERMIS est « transparent » et « juste »… On se moque de nous comme jamais !!! Et qu’on ne vienne surtout pas dire « on ne savait pas », à moins d’être menteur pathologique ou complètement imbécile il est impossible de ne pas le savoir et ce dès la conception du système.
Dans le monde du jeux vidéo on nomme cela du « pay-to-win » : ceux qui paye la solution d’un éditeur sont grandement avantagés.
A quand un éditeur « free-to-play » ? Et une véritable portabilité des données entre tous les éditeurs ?
Article précis, merci !!
Merci pour cet article qui est très bien documenté.
On comprend bien les enjeux qui entourent l’API RDVPermis, et l’avantage que cela peut procurer en termes d’efficacité au quotidien. Pour autant, l’enjeu me semble être : comment faire en sorte que toutes les auto-écoles puissent en bénéficier via leur logiciel de gestion, en évitant une concurrence malsaine sur la rapidité d’exécution des requêtes ?
Le problème n’est pas l’existence de cette API, mais le fait que les éditeurs de logiciels ne proposent toujours pas de solution pour en faire bénéficier le plus grand nombre. Plus les auto-écoles traditionnelles simplifient leur gestion administrative, plus elles peuvent se concentrer sur le coeur de métier : la formation.
Vous parlez d’une digue qui cède au lieu de mentionner une belle opportunité qui s’ouvre pour tout le monde. Il en va de la responsabilité des éditeurs de logiciels et de l’administration de trouver un moyen de permettre à chacun de s’inscrire dans ce nouveau monde de façon équitable.
Dire non à la modernisation de l’administration parce que cela provoque de l’incertitude, je trouve cela rétrograde et contre-productif.
Quant aux commentaires expliquant qu’il faudra payer une solution pour réserver des places, je tiens à signaler que si la solution vous fait gagner du temps, elle vous fait donc gagner de l’argent. Plus personne ne gère un business sur un cahier aujourd’hui, il faut l’accepter et essayer de comprendre pourquoi on y gagne.
Cher Monsieur, vous ne devez pas être du métier pour considérer cela comme une « opportunité ». Ce que l’administration a fait c’est 1) construire une usines à gaz 2) ajouter des rustines… et ils prient maintenant pour que cela tienne.
Personne ne dit non à la modernité… nous rejetons un système ubuesque que je vous invite à tester.
L’administration a « vendu » ce système comme étant gratuit… il ne l’ai pas. Il faudrait maintenant que nous soyons content de payer. Vous parlez comme un commercial…