Le 15 octobre 2024, le décès du cycliste Paul Varry à Paris a ravivé le débat sur la sécurité et la cohabitation entre les différents usagers de la route. Cet événement, largement médiatisé, a illustré la montée des tensions entre automobilistes, cyclistes, conducteurs de deux-roues et piétons. Face à cette situation préoccupante, le gouvernement a missionné Emmanuel Barbe – ancien délégué interministériel à la Sécurité routière – pour formuler des recommandations afin de mieux prévenir les violences routières et rétablir un climat apaisé sur l’espace public.
Une mission collaborative et interdisciplinaire
Pendant six mois, Emmanuel Barbe a mené une concertation approfondie, accompagné par les inspections générales de l’environnement et de l’administration. Des échanges ont eu lieu avec des collectivités locales, des associations d’usagers, des chercheurs en sciences sociales, des urbanistes et des experts de la sécurité routière. L’objectif : produire des recommandations concrètes, adaptées aux réalités de terrain et à la diversité des contextes de circulation.
Quarante recommandations pour un partage apaisé de la route
Le rapport formule 40 recommandations, dont 18 jugées prioritaires, autour de trois grands axes : formation, conditions de circulation et évolution du permis de conduire.
Renforcer la formation et la sensibilisation
Parmi les propositions, le rapport insiste sur la nécessité d’améliorer l’éducation à la sécurité routière dès le plus jeune âge. Il suggère de renforcer l’enseignement du vélo à l’école avec une généralisation du programme « Savoir rouler à vélo » (SRAV), et son intégration dans la scolarité de la maternelle au lycée. Le rapport propose également d’ouvrir l’accès à des formations à la pratique du vélo ou à la remise en selle via le Compte Personnel de Formation (CPF), pour encourager une pratique plus sûre et plus encadrée.
Par ailleurs, pour mieux diffuser les règles du code de la route, Emmanuel Barbe recommande d’utiliser des supports numériques simples comme des QR codes renvoyant vers les dernières évolutions réglementaires. Ceux-ci pourraient être distribués lors des stages de récupération de points ou à l’achat d’un vélo.
Aménager l’espace public et faire évoluer les règles de circulation
Pour favoriser un usage apaisé de la voie publique, le rapport suggère de modifier certaines règles de circulation. Il propose notamment :
- De rendre obligatoire la définition d’au moins une zone 30 dans chaque agglomération, afin de réduire la vitesse en ville et améliorer la sécurité des usagers vulnérables.
- D’imposer, pour les dépassements de cyclistes sur routes à plusieurs voies, un franchissement complet de la ligne médiane avec les quatre roues du véhicule, afin d’éviter les dépassements dangereux.
- De mieux encadrer les trajets en groupes de cyclistes et de sensibiliser à leur vulnérabilité.
Ces mesures s’accompagnent d’une incitation à repenser les aménagements urbains : pistes cyclables sécurisées, trottoirs dégagés, zones de circulation partagée avec une signalétique claire.
Repenser le permis de conduire et sa préparation
Une autre priorité concerne l’examen du permis de conduire. Emmanuel Barbe recommande d’intégrer davantage les enjeux de cohabitation et de respect entre usagers dans la formation initiale des conducteurs. Cela inclut des séquences pédagogiques spécifiques sur le partage de la route avec les cyclistes, les piétons, les utilisateurs de trottinettes, ou encore les personnes en situation de handicap.
Il propose également que ces compétences soient mieux évaluées à l’examen, à travers des mises en situation concrètes et des questions ciblées lors de l’épreuve théorique et pratique.
Quel rôle pour les professionnels de la conduite ?
Les enseignants de la conduite et les responsables d’auto-écoles sont appelés à jouer un rôle central dans la mise en œuvre de ces recommandations. Cela passe par :
- L’actualisation des contenus pédagogiques : intégrer des modules dédiés à la cohabitation entre usagers, aux comportements à adopter en présence de cyclistes ou de piétons, et aux nouvelles règles de circulation (zone 30, dépassement sécurisé).
- La formation continue des enseignants : veiller à ce que les formateurs eux-mêmes soient sensibilisés aux évolutions réglementaires et aux enjeux liés à la violence routière.
- La sensibilisation dès les premières heures de conduite : insister sur le respect mutuel, la courtoisie au volant, et la gestion des conflits ou incivilités sur la route.
- Le développement de partenariats locaux : collaborer avec les collectivités pour organiser des ateliers de sécurité routière, notamment dans les établissements scolaires ou les centres sociaux.
Au-delà de la préparation à l’examen, les auto-écoles ont ainsi l’opportunité de renforcer leur rôle éducatif et citoyen, en formant des conducteurs responsables, conscients des enjeux du vivre-ensemble sur la route.